Pauline Chasselin en quête d'or

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Pauline Chasselin en quête d'or
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Pauline Chasselin dispute la finale de la coupe d'Europe de tennis de table avec son équipe de Grand Quevilly.

“Une finale, ça ne se joue pas, ça se gagne !” Pauline Chasselin plante franchement le décor : même si elles ne partent pas favorites face à l’armada espagnole de Cartagena, les pongistes de l’ALCL Grand Quevilly ne lâcheront rien en finale de la coupe d’Europe ETTU, dont la première manche se joue ce samedi 2 avril à Grand Quevilly. Les Françaises ne seront surtout pas prises en défaut sur la motivation et l’engagement. “Sur le papier, elles sont plus fortes car mieux classées. Mais nous, nous sommes imprévisibles, nous pouvons surprendre tout le monde !” Joueuse puissante, physique, attaquante, agressive sur les premiers coups, Pauline Chasselin attend de pied ferme son adversaire.

Historique pour le club, cette finale de la deuxième coupe d’Europe - la première étant la Ligue des Champions – marque aussi la fin de l’aventure normande pour Pauline. Après deux années à l’ALCL, elle va retourner à Metz, son club formateur. Un départ en bons termes et avec le sentiment du devoir accompli. “Nous avons réussi à maintenir l’équipe en Pro A (NDLR : le maintien a été acquis ce mardi 29 mars grâce à une victoire face à Issy-les-Moulineaux), c’était l’objectif du club. Après notre beau parcours en coupe d’Europe, ça serait génial de remporter la finale.”

Née en 1997 à Lunéville, en Meurthe-et-Moselle, Pauline Chasselin a découvert le tennis de table à 7 ans, par hasard. “Je faisais de la natation, la piscine a fermé. Ma mère m’a inscrite au club de tennis de table car elle ne voulait pas que je reste sans pratiquer un sport.” Une maman qui connaissait “un peu” le tennis de table pour avoir figuré parmi les cent meilleures joueuses françaises, quand même ! “Au début, le ping, ça ne me plaisait pas plus que ça. J’y allais davantage pour ma mère : j’ai toujours beaucoup respecté mes parents. J’ai mis du temps pour apprécier ce sport.”

Et pourtant, Pauline se révèle vite. Quelques mois à peine après ses premiers coups de raquette, encore non classée, elle remplace au pied-levé une joueuse à une compétition interdépartementale. Elle bat tout le monde. Repérée et suivie de près, elle intègre le Creps (Centre de ressources, d'expertise et de performance sportive) de Nancy. “J’avais 11 ans, il fallait quitter le domicile familial... J’ai chialé pendant toute la première semaine ! J’étais déjà partie sans mes parents en stage, bien sûr, mais là c’était un vrai départ.” Pauline s’accroche. “Au bout de trois semaines, ça allait. J’étais la plus jeune, l’ambiance était sympa avec les autres jeunes, des footballeurs, des volleyeurs... Je me suis régalée.”

La suite du parcours, c’est l’Insep (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance) à Paris, et la découverte du haut niveau en compétition, en club et en équipe de France. En 2014, elle revient des championnats d’Europe juniors avec la médaille d’or par équipe et deux médailles de bronze en simple et en double. “Mais je ne me plaisais pas à l’Insep, l’état d’esprit ne me convenait pas. Je suis plutôt féministe, et je ne supportais pas certains comportements envers les sportives...” Pauline décide donc de rentrer en Lorraine et claque immédiatement une grosse performance individuelle : elle devient vice-championne de France en simple. Avec Metz, elle est championne de France en 2016, en 2017, et championne d’Europe ETTU 2018. Pauline Chasselin n’est pourtant pas pleinement épanouie, cherche son tennis de table. En 2020, elle se bouscule et sollicite l’ALCL Grand Quevilly, club de Pro A moins prestigieux et moins ambitieux que Metz. “Je ne jouais pas assez à Metz où il y a quatre ou cinq top joueuses pour trois places. Je sentais que j’avais besoin de partir pour me trouver, prendre de la confiance. J’ai pris contact avec Grand Quevilly, le feeling a tout de suite été bon avec Guillaume Liot, l’entraîneur.” Seule déception, Pauline quitte Metz en plein confinement. “Je suis partie sans pouvoir dire vraiment au revoir. J’étais triste, c’est mon club formateur.”

À Grand Quevilly, au sein d’une équipe constituée de joueuses françaises - cas rare en tennis de table – Pauline Chasselin trouve exactement ce qu’elle était venue chercher. Elle joue beaucoup, et gagne très souvent - 70% de victoires lors de sa première saison -, ce qui permet à l’équipe de se maintenir en Pro A. “J’ai pris de la maturité, de la sérénité. Le statut de leader d’une équipe m’a confortée, je sentais que mon rôle était important.” Ses performances lui valent d’être sélectionnée dans l’équipe de France olympique, en tant que remplaçante, l’été dernier. “Les Jeux Olympiques, c’était un rêve d’enfant ! J’en ai encore des frissons en en parlant même si je n’ai pas joué et que j’étais dans les tribunes.” Elle enchaîne à l’automne avec les championnats d’Europe, où l’équipe de France féminine décroche la médaille de bronze, un résultat historique. Pauline Chasselin, 147e joueuse mondiale, classée 2e joueuse française, a clairement changé de dimension. Et d’ambitions. “Les JO, ça m’a donné un petit plus. Je me suis dit : Paris 2024, c’est pour moi !” Pour participer aux Jeux Olympiques de Paris, elle doit figurer parmi les meilleures Françaises, progresser au classement mondial, rendre sa sélection évidente. “Ça passe par des participations à des compétitions internationales. C’est difficile en étant dans une équipe comme Grand Quevilly, où je dois jouer tous les matchs. Metz m’a fait une belle proposition qui va me permettre de jouer en Pro A et en Ligue des Champions avec l’équipe, tout en me laissant du temps pour des tournois en individuel.” Et du temps pour s’entraîner, voire se ressourcer... “Depuis la fin de la saison 2020-2021, j’ai enchaîné les JO, les championnats d’Europe, le championnat de France et la coupe d’Europe. Je n’ai passé que quatre semaines chez moi, le reste du temps je suis en déplacement, en avion, sur la route. En mars, j’ai joué à Oman, à Singapour, au Qatar...”

En parallèle, Pauline prépare sa reconversion, mais sans précipitation. “Le sport de haut niveau ne va pas m’attendre, les études, oui ! Je veux tout donner pour le ping, ne pas avoir de regrets à 40 ans. Le ping, c’est ma passion et mon métier !” En troisième année de Staps, spécialité APA (activités physiques adaptées), Pauline se destine à intervenir auprès de personnes handicapées, voire devenir ergothérapeute. “Même si je ne peux pas m’y consacrer pleinement pour l’instant, même si je me retrouve avec des étudiants 4 ou 5 ans plus jeunes que moi, les études me rappellent qu’il y a autre chose à côté du sport de haut niveau. Ça m’apporte de la stabilité, m’ouvre l’esprit, me permet de faire d’autres rencontres. C’est magnifique ce qu’on vit en tant que sportif de haut niveau, mais il ne faut pas oublier les sacrifices qu’on fait.”

Finale aller de la Coupe d'Europe ETTU, samedi 2 avril à 18h à la salle Bartlet, à Grand Quevilly