Face à la mère

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Face à la mère
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Originaire de Canteleu, la journaliste et documentariste Maïram Guissé consacre son dernier film à sa mère Fatimata. Plus qu’un témoignage, une rencontre captivante entre deux femmes.

Maïram Guissé est journaliste. Depuis ses premiers pas à Paris-Normandie en 2007 jusqu’à ses enquêtes au Parisien aujourd’hui, elle ne cesse d’aller à la rencontre d’hommes et de femmes, de tous les milieux, de toutes les générations et de raconter des parcours de vie. Elle questionne, elle écoute, elle témoigne. Forte de son expérience, à tout juste 38 ans, sans doute lui manquait-il un sujet plus intense que les autres. Sa propre mère, Fatimata. “L’aventure la plus intime dans laquelle je me suis engagée et dans laquelle je ne m’engagerai certainement jamais.” Pour Maïram Guissé, tout commence en 2019, un matin, très tôt. “Je regardais ma mère chargée de valises. Elle marchait vers moi.” Pour la première fois, des questions inédites surgissent avec l’urgence d’y répondre. “Qui est cette femme ? Quelle vie a-t-elle eue ? “ Le temps était venu d’écrire, de prendre la caméra et de braquer l’objectif vers le périple d’une existence, construite entre le Sénégal et la France.

Une vie de femme(s)
Le documentaire s’ouvre sur Canteleu. Là où tout commence. “Aussi parce que je voulais marquer mon attachement personnel à cette ville que je n’ai jamais vécue comme un fardeau. Au contraire, c’est un lien profond, viscéral. Je voulais que Canteleu, à travers ce film, existe autant que ma mère, sans jamais réduire mon quartier de la Cité Rose à une caricature.” Dans les pas de sa mère, toujours, Maïram Guissé filme une femme en mouvement, déterminée, inépuisable. Elle évoque les souvenirs, l’arrivée en France, en 1982, dans le cadre du regroupement familial. La route entre Paris et Cléon d’abord et puis Canteleu. Les premiers regards au marché. Les doutes, les inquiétudes. “Au-delà de ma mère, c’est aussi l’histoire de toute une génération de femmes sénégalaises qui ont vécu l’immigration avec son lot de déchirement.” Pour le spectateur, le voyage est total. " Je ne pouvais pas parler de ma mère sans évoquer ces liens d’amitié entre toutes ces femmes. Cette communauté qui vit le féminisme en actes, la volonté de travailler, de structurer leurs vies entre elles, solidaires les unes des autres pour mieux atténuer les douleurs de l’exil et avancer malgré les obstacles.”

Mère et fille
Sans rien édulcorer d’une réalité parfois difficile, la documentariste prend le parti de réaliser un film lumineux. Les fêtes, les rires, la danse rythment chaque étape du parcours de Fatimata. De l’autre côté de la caméra, Maïram Guissé sait se montrer patiente quand la pudeur recouvre d’un voile les confessions. Elle demeure sensible à ces gestes, ces regards discrets, ces émotions qui disent souvent plus que les mots et révèlent la complexité de toute une vie. Car Fatimata “n’est pas juste une femme de ménage, la mère de six enfants, une épouse, c’est aussi une femme qui a eu plusieurs vies. Et encore aujourd’hui à 63 ans, elle commence une autre vie, au Sénégal.” Au bout de cette longue route, il y a une plage, près de Dakar. Une nuit, quand Maïram Guissé rejoint enfin sa mère dans le cadre de l’image. “Alors, j’ai vraiment eu l’impression de rencontrer ma mère.”

Infos : La vie de ma mère. Réalisation : Maïram Guissé. Diffusion les 19 et 23 mai sur France 3 Normandie.

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